lundi 20 juillet 2015

Buzz or die!

Nous sommes entrés dans l'ère digitale. Depuis un moment, déjà. Les Google, Facebook et autres Amazon ont révolutionné le monde depuis plus de dix ans. Désormais, c'est Uber et Kickstarter qui disruptent l'économie.
À part quelques secteurs comme l'aéronautique, toutes les industries plus anciennes ont atteint leur apogée par le passé et déclinent sur les marchés occidentaux.
Les grands groupes n'ont plus que la croissance des pays émergents (notamment la Chine dont on commence à voir les faiblesses) pour espérer des jours meilleurs. Les secteurs d'activité traditionnels se concentrent, les gros rachètent les moyens, les petits sont exsangues. 7 années de crise majeure sont passées par là. Et tous craignent qu'une startup de trois farfelus ne leur ruine leurs activités par je ne sais quelle innovation digitale. Le fameux syndrôme Kodak.
Les politiques n'ont que Schumpeter et l'innovation, disruptive si possible, à la bouche pour sauver le monde. C'est la danse de la pluie moderne pour invoquer la croissance, déesse vénérée mais si capricieuse, et lui demander de revenir apporter ses bienfaits dans une économie morose.
Bien sûr, l'innovation est la seule source de création de nouvelles richesses. Mais ce qui échappe à beaucoup d'analystes, sinon la totalité, c'est que l'ère digitale s'appuie énormément sur un phénomène très spécifique.
Le buzz.

Le buzz, fondement de l'économie du XXIe siècle

Il n'a jamais été aussi facile de lancer un nouveau produit, et en même temps il n'a jamais été aussi difficile de le faire. Je m'explique. Supposons que vous ayez une idée géniale de produit innovant.
Avant, il vous fallait de l'argent pour le développer, le fabriquer industriellement, de payer des campagnes de pub et enfin espérer que le produit convainque le marché. Mais les investisseurs étaient au courant, et ils étaient prêts à prendre des risques.
Aujourd'hui, si votre produit a un potentiel de séduction suffisant pour faire le buzz, c'est inutile : une bonne campagne Kickstarter vous permet en un mois d'obtenir un bon million de dollars de pré-commandes, d'investir dans l'outil industriel qui est rentabilisé avant même d'être acheté, et d'avoir une campagne publicitaire à très bas coût. Ultra facile.
En même temps, si votre produit ne séduit pas suffisamment pour se vendre quasiment tout seul, vous êtes dans la même situation qu'avant. Sauf que les investisseurs ne sont plus aussi audacieux : ils préfèrent investir dans des produits qui ont déjà commencé à décoller. Et votre produit, lui, n'a pas buzzé. Vous n'avez plus que vos yeux pour pleurer. Buzz or die!

Les réseaux sociaux, reflet de la mutation

Des stars émergent par le buzz. Le chanteur Grégoire est certainement sorti de nulle part grâce à une plateforme de crowdfunding, My Major Company. La chanson coréenne Gangnam Style de Psy a battu tous les records grâce à son buzz sur Youtube.
Curieux parallèle, me direz-vous, entre du partage de vidéos et de la levée de fonds. Certes, les deux exemples précédents touchent à la chanson. Mais allons voir plus loin.
Ce phénomène est certainement le mieux illustré par les réseaux sociaux. Qui n'a pas vu sur Facebook ces images et vidéos partagées des millions de fois, pour des raisons qui échappent à la raison ? Les lolcats en sont peut-être le meilleur exemple.
Les réseaux sociaux, comme Facebook, sont eux-même nés du buzz. Tous ceux qui aujourd'hui cherchent à lancer de nouveaux réseaux sociaux le savent : une fois le buzz passé, il n'est presque plus possible de lutter. Le réseau Google+ est un échec, malgré la puissance économique du géant américain. Mieux vaut taper dans une niche. Comme LinkedIn pour les réseaux professionnels (que Facebook n'avait pas cherché à appréhender), Twitter pour la communication ouverte au public (alors que Facebook se limitait à la sphère privée), ou Youtube pour les vidéos (que Facebook ne traitait pas initialement).
Désormais bien en place et ancrés dans les mœurs, les réseaux sociaux catalysent encore le buzz, le renforçant comme jamais. Les startups le savent bien : un bon buzz sur les réseaux sociaux, et c'est le succès garanti : des acheteurs en pagaille, des possibilités de développement commercial énormes, et donc un attrait évident pour les investisseurs. Mais sans buzz, vous êtes foutus.
Les dirigeants d'Uber le savent bien, créer un bad buzz en lançant une application permettant de contourner la loi est très efficace : non seulement tous les afficionados des réseaux sont au courant, mais les médias classiques relayent l'information (à la radio, dans la presse, sur la télévision) et ainsi tout le monde est informé de l'existence de cette société.
Bref, lancer très rapidement et avec succès une entreprise gigantesque n'a jamais été aussi facile. Si vous savez faire du buzz. La clé du succès ? Le buzz.

Une vieille recette

En réalité, le buzz n'est qu'une variante récente d'un processus économique qui existe de longue date : la loterie.
Le principe est le même : beaucoup de participants (les startupers), peu de lauréats, un coût du ticket modeste (quelques présentations bien ficellées, voire un prototype pas trop cher) et un premier prix attractif (la fortune à court terme).
Le hasard y a une part très importante : ce n'est pas la qualité du produit qui est le plus important, ce n'est pas non plus la quantité de travail nécessaire ou l'intelligence de sa conception. C'est la capacité du produit à séduire. Et comme le savent bien les grands groupes industriels de l'agro-alimentaire, rien n'est plus difficile à prévoir que les goûts des gens.
Ce processus économique s'oppose donc fondamentalement à celui qui est censé être à la base de l'économie selon les économistes : la concurrence.
Le monde idéal des économistes est un monde peuplé d'une grande population d'entreprises qui se battent pour faire le meilleur produit au meilleur prix. Ce modèle avait peut-être un sens il y a 50 ans, quand le buzz n'était pas à la portée du premier petit malin venu. Les entreprises mettaient des moyens de communication important en place : vitrines, publicité, échantillons gratuits... mais ce n'était pas donné. Il fallait donc sortir les rames et faire de gros efforts pour vendre. C'est encore le cas dans les industries traditionnelles. Ça ne l'est plus dans le monde digital.
En réalité, depuis les années 1970, la Silicon Valley fonctionne sur ce principe : si un gros investisseur aime votre projet, il vous donnera des moyens financiers très importants ; si vous ne trouvez pas cet investisseur, votre projet ne verra pas le jour. Rien à voir avec l'entreprise de soudure que votre grand-oncle Maurice a créé il y a 80 ans avec deux ouvriers, et qui embauche 50 personnes aujourd'hui. Non. Les 50 personnes, vous les aurez dans le mois. Puis 500 dans un an. Ou pas.
Aujourd'hui, les Venture Capitalists reçoivent régulièrement des centaines de Business Plans de startups, et n'en étudient qu'un pourcent environ, sur la base d'une page ou deux de résumé. Une chance sur 100? C'est bien de la loterie.

Leçons à retenir

J'en retiens essentiellement trois :
  • Les startups ne doivent pas chercher à fabriquer un produit technologiquement complexe. Ils doivent chercher à faire un produit qui buzzera. Sinon, elles seront condamnées à ramer pour trouver des clients.
  • Le buzz, c'est une loterie. C'est un système profondément injuste. Vous allez devenir riche ou rester pauvre pour des raisons qui n'ont rien à voir avec vos qualités ou vos efforts.
  • Cette économie de la loterie favorise des projets faciles et superficiels. Faciles, car ils ne nécessitent que peu d'efforts et de moyens financiers. Superficiels, car il faut être sexy avant d'être profond.
Ainsi, comme disait un VC réputé, on attendait du futur des voitures volantes, et on a eu 140 caractères.
L'économie digitale est mal orientée. Elle n'a aucune raison de résoudre les grands problèmes du monde (réchauffement climatique, économies en crise, djihadisme, chômage, épidémies...). Et elle est injuste.
Il y faudrait un contre-poison.Un moyen de permettre à des projets de qualité de se faire connaître, indépendamment de leur aspect sexy.
De la communication démocratique, en quelque sorte.
C'est l'objet du projet de télévision ouverte Reel, que j'ai commencé à développer avec un ami. Un projet de qualité, mais qui n'a pas réussi à buzzer sur Kickstarter. Mais nous finirons par trouver une solution.

lundi 27 avril 2015

Qu'est-ce qu'un entrepreneur ?

J'ai participé récemment à un événement visant à encourager l'entrepreneuriat, le Startup Weekend Mulhouse, en tant que membre du jury chargé de sélectionner les meilleurs projets. Expérience très sympa, au passage.
Mais j'ai pu constater que les avis divergent fortement quand il s'agit d'évaluer les projets. Aussi bien sur les perspectives de succès (ce qui est normal, personne n'est devin) que celui de l'intérêt de la démarche entrepreneuriale. Et là, je suis un peu plus embarrassé.

Chef d'entreprise : une notion polysémique

Avant de parler d'entrepreneur, commençons par un terme plus général, à mon sens. Le chef d'entreprise.
Un chef d'entreprise, c'est quelqu'un qui dirige une entreprise. Un auto-entrepreneur, un freelance, un consultant indépendant sont des chefs d'entreprise. Les patrons du CAC40 sont des chefs d'entreprise. Un restaurateur, un dentiste, un artisan sont souvent des chefs d'entreprise. Les réalités sont multiples, le terme est générique.
Le point commun entre tous ces chefs d'entreprise : ils dirigent. Certains dirigent seuls, voire se dirigent simplement eux-même. D'autres sont entourés d'une équipe de direction. Certains ne font que ça (diriger), d'autres mettent la main à la pâte. C'est une notion administrative, mais elle couvre tellement de situations très différentes que je n'aime guère utiliser cette notion.

Différents types de chefs d'entreprise

Je préfère distinguer des profils sensiblement différents, notamment par rapport à leur prise de risque.
Le premier est celui du patron salarié.  C'est un cas le plus courant dans les grandes ou moyennes entreprises, et même dans beaucoup de PME. Héritier du fondateur, employé modèle ambitieux ou recrue de haut-niveau, ils prennent assez peu de risque en acceptant ce poste. L'entreprise qu'il dirigent existe depuis longtemps, et leur rôle est avant tout de la faire vivre.
Leur patrimoine est souvent largement indépendant de celui de l'entreprise qu'ils dirigent, et ils ont fréquemment une approche de gestionnaire. Je respecte évidemment ces chefs d'entreprise, surtout en ces temps difficiles, car il est rarement facile de pérenniser une entreprise établie. Mais j'ai du mal à parler d'entrepreneurs en ce qui les concerne. Y compris pour les fameux "capitaines d'entreprises" tant admirés par les médias et politiques.
Le second profil est celui du patron fondateur d'entreprise "classique", reproduisant un modèle d'entreprise déjà existant. C'est le cas d'une large part des dirigeants de PME, de la plupart des dirigeants de TPE. C'est l'image d'Épinal du chef d'entreprise : il a utilisé ses économies ou s'est endetté pour créer une entreprise à partir de zéro. Il a pris des risques matériels, mais le principe de son entreprise n'a rien de révolutionnaire. Ce sont souvent des entrepreneurs dans l'âme, au sens qu'ils vont être ouvert à la nouveauté, à la prise de risque. La gestion fait partie intégrante de leur métier, mais ils intègrent plus facilement des projets innovants dans leur stratégie. Je mets à part le profil du freelance, i.e. les consultants et autres professions libérales, dont le métier est plus cadré et moins susceptible d'innovation.
Enfin, la dernière catégorie est celle du startuper : l'Entrepreneur avec un grand E, selon moi. Ces dirigeants décident de lancer une entreprise sur une intuition (et sur un travail préparatoire, ce ne sont pas des inconscients), sur une idée qui n'a jamais été explorée commercialement.
Le risque est présent dès le départ pour le startuper : s'il n'y a pas 90% de chances d'échec selon la plupart des gens à qui ils parlent de leur projet, c'est qu'il y a déjà un antécédent crédible à leur projet.  C'est un gage d'innovation. Et tant pis s'ils se plantent effectivement dans 90% des cas. Parce que leur idée vise à changer leur industrie, voire changer le monde.

Les capitaines d'industrie ne sont pas des entrepreneurs

Alors, par pitié, arrêtez de me parler d'entrepreneurs lorsque vous évoquez des patrons salariés. Les capitaines d'entreprise ne sont pas des entrepreneurs. Avec tout le respect que je leur dois, ils n'ont rien à voir avec des visionnaires preneurs de risque.
Je ne dis pas que l'innovation est impossible dans les grands groupes dirigés par ces capitaines d'industrie. Par chance, ils autorisent en général des projets d'innovation (R&D, marketing...) au sein de leur entreprise, qu'ils suivent de loin, comme un portefeuille d'investisseur. Et certains de leurs employés ont une démarche d'entrepreneur, dans la mesure où ils dirigent ou soutiennent un projet dans lequel ils croient au risque de stopper leur carrière s'ils se plantent. Ce sont eux, les intrapreneurs, qui permettent à ces grands groupes d'innover. Et qui se rapprochent le plus de ce qu'est un entrepreneur.

jeudi 9 avril 2015

Quand le surnaturel se brevète

Cela fait un moment que je n'avais pas écrit d'article. J'étais un peu pris par la survie de mon entreprise. Pas encore sorti d'affaire, mais on en reparlera une autre fois. Je me sens obligé d'écrire maintenant, car je suis tombé sur une situation vraiment inattendue.

Une technologie mystérieuse

J'ai rencontré il y a deux ans environ sur un salon professionnel une société qui vend un appareil permettant de désembouer l'eau des canalisations de chauffage. Rien d'extraordinaire jusque là. Leur technologie m'intriguait, car je ne comprenais pas bien comment ça fonctionnait.
J'ai eu récemment l'opportunité d'aller voir cette société. L'échange se passe bien, j'ai droit à une foule de preuves de fonctionnement chez leurs clients. Super.
Je ne doute pas un instant que ça fonctionne. La boîte existe depuis un moment, ils remboursent l'appareil si ça ne fonctionne pas, donc si leur techno était bidon, ils auraient mis la clé sous la porte depuis longtemps.
J'interroge donc le commercial, un jeune dynamique, sur le fonctionnement de leur appareil et il me parle de mémoire de l'eau. Là, je tique.
Pour ceux qui ne connaissent pas l'affaire, la mémoire de l'eau est un scandale scientifique d'il y a plus de 20 ans. Pour en savoir plus, suivez ce lien. Bref, pas vraiment convaincant.
Bon, le commercial reconnaît qu'il n'est pas spécialiste, et peut-être qu'il a mal compris. Il fait appeler un technicien. Pendant l'attente de ce dernier, le jeune m'explique que leur appareil est de fabrication autrichienne. Peut-être s'agit-il d'une traduction malheureuse de l'allemand, me dis-je ?
Le technicien arrive, et il me dit d'entrée qu'il est très mal à l'aise avec ce système. De formation scientifique, il avoue ne pas bien comprendre comment leur appareil marche. Il se contente de l'installer chez les clients, de réaliser des tests pour eux, ou d'intervenir en cas de dysfonctionnement (généralement, une erreur de montage). En tout cas, il est serein : ça fonctionne. Mais comment ? Mystère.
Je consulte les plaquettes commerciales de la société, et elles font référence à de très étranges explications, extrêmement farfelues et pour tout dire invraisemblables. L'eau propre serait en fait constituée de "clusters" de molécules d'eau dont la structure est régulière, aussi régulière que des cristaux de glace (tiens, tiens) et l'eau polluée serait formée de clusters irréguliers. Ils annoncent même qu'on peut voir ces fameux cristaux de glace au microscope. Personnellement, l'eau au microscope, je ne l'ai jamais vue que transparente. Fumisterie.
Un autre commercial, passant par là, me dit que je suis comme tous les prospects qu'il rencontre et qui ont un profil de scientifique. Assez rare (1 par an en moyenne), mais très sceptique dès lors qu'une explication est avancée. En pratique, il n'a jamais réussi à vendre ses appareil à de tels profils. Tu m'étonnes. Mais les autres, en général, ça va. L'explication qu'il préfère, c'est une histoire de "vortex" (il y a une spirale gravée dans l'appareil, censée produire un tourbillon).
Étant pêcheur, il affirme que l'eau est plus claire dans les rivières là où le courant est le plus fort. C'est sans doute vrai, car la sédimentation nécessite une eau calme. Mais le rapport avec le désembouage est assez flou. En tout cas, ça suffit à convaincre la plupart de ses clients. Et l'essai de l'appareil étant généralement un succès, les clients ne se posent pas plus de questions.

Une explication surnaturelle ?

Ils me montrent des rapports (en allemand) parlant de soit-disant "fréquences" que l'appareil appliquerait à l'eau (vous ai-je dit que l'appareil est passif, et qu'il n'utilise aucune alimentation en énergie ?). Toujours plus étonnant. Ils me montrent des schémas de l'appareil, avec de curieux tubes en verre étanches contenant une solution saline. La source de ces "fréquences", d'après ce qu'on leur a raconté. Il y a aussi des billes en quartz, mais peut-être bien que ce sont d'autres pierres semi-précieuses.
OK. Là, on arrive à la magie des pierres précieuses. Abracadabra, tu te dépollueras ! Même eux ont du mal à avaler ces âneries.

Nous finissons par conclure qu'ils aimeraient bien avoir quelque chose de crédible à exposer à leurs clients. Je leur demande s'il y a un brevet, ils me disent que oui, mais ils n'ont pas la référence. Mais avec le nom de la boîte autrichienne qui les fournit, je devrais trouver. Avec l'excellent outil gratuit Patent Inspiration, ça devrait être du gâteau.
Chou blanc. L'entreprise autrichienne ne semble jamais avoir déposé un brevet. Je creuse avec des mots clés, et je finis par tomber, non pas sur le brevet escompté, mais sur toute une sous-classe de brevets totalement incroyable.
Les brevets sont classés par les organismes internationaux compétents en une hiérarchie de classes et de sous-classe extrêmement riche et détaillée. Ainsi, la classe principale "C" (Chimie et Métallurgie) contient une sous-classe "C02F" (Traitement de l'eau, eau usée, boue...) qui contient elle-même plusieurs sous-sous-classes.
Et l'une a attiré mon attention, car elle contient plusieurs brevets faisant référence à des pierres semi-précieuses.
La classe "C02F1/005" s'appelle "Systèmes ou procédés basés sur des principes surnaturels ou anthroposophiques, des rayonnements cosmiques ou terrestres, la géomancie ou la rhabdomancie". Ce dernier terme désigne le savoir-faire des sourciers.
Il existe donc une catégorie de brevets basés sur des principes surnaturels. J'hallucine.
En clair, cette société utilise un appareil qui fonctionne (je leur accorde le bénéfice du doute), mais dont ils ignorent totalement le mode de fonctionnement, et dont la conception est grosso modo basée sur de la sorcellerie. Pas étonnant qu'ils ne soient pas à l'aise.
Je lance donc un appel : si vous avez une idée de comment leur appareil peut fonctionner, avec une explication rationnelle, contactez-moi !

jeudi 11 décembre 2014

La Vidéo est elle un outil de communication pour les Industries ?

L'un de mes amis est réalisateur de vidéos pour les entreprises. Lors d'une conversation, nous nous demandions si, comme le prétendent un grand nombre d'entreprises de production audiovisuelle (ainsi certainement que Youtube, Vimeo et Dailymotion), la vidéo était un outil efficace pour la communication des entreprises, notamment industrielles. Après tout, ça marche bien pour les chanteurs sud-coréens.
J'ai voulu en avoir le cœur net.

Youtube et l'industrie française

Pour y arriver, il faut obtenir des données. Bonne nouvelle : Youtube, la référence absolue en termes d'hébergement de vidéos, dispose d'une API. Une Application Programming Interface. Ou interface de programmation, en bon français. Avec quelques lignes de code, on peut donc arriver à extraire des tas d'informations sur les vidéos.
Sans rentrer dans les détails de mes premiers tâtonnements, je vais vous livrer quelques observations frappantes.
D'abord, la résolution.
Une vidéo peut faire plusieurs formats, souvent décrits par un seul chiffre suivi d'une lettre (dont je tairai la signification...par ignorance). Par exemple 720p : c'est un format de 720 lignes, soit une taille d'image de 1280 pixels par 720 pixels.
Le format 720p, c'est le premier format haute définition (HD). En dessous (480p, 320p...) on est dans une résolution relativement basse, trop basses pour nos télévisions à écran plat. Adaptée éventuellement au web, mais de moins en moins acceptable avec nos équipements modernes (iPad et autres tablettes Android). Donc, faire de la vidéo HD semble un minimum.
Eh bien, si je fais une recherche avec le mot-clé "industrie", et en demandant une résolution HD, j'obtiens surtout...des vidéos allemandes. Eh oui, "Industrie", c'est le même mot en allemand (avec une majuscule, pour les puristes). En France, en Belgique francophone, en Suisse francophone ou au Québec, le HD, ce n'est pas l'habitude.
Bon, il faut affiner. Je ne choisis que les vidéos localisées dans le cercle circonscrit à la France continentale (de 544 km de rayon et dont le centre est situé à Tranzault, m'apprend Wikipédia). Étrange moyen de sélection, me direz-vous. Mais c'est le seul disponible dans l'API de Youtube. Ça constitue quand même une bonne approximation.
J'arrive ainsi à près de 12000 vidéos HD "françaises" correspondant au mot-clé "industrie". Pas si mal.
Allez, je regarde le nombre de vues de ces vidéos. Et là, il y a de tout : des vidéos à 15 vues, des vidéos à 782 vues. Des vidéos à 12572 vues. Bon, il faut essayer d'y voir clair, faisons quelques statistiques.
Sur les vidéos dont j'ai pu avoir des informations (6000 environ, soit à peu prêt la moitié), il s'avère que :
  • 50% des vidéos ont moins de 327 vues (c'est la valeur médiane),
  • 74% des vidéos ont moins de 1 000 vues,
  • 96% des vidéos ont moins de 10 000 vues,
  • 99,3% des vidéos ont moins de 100 000 vues,
  • et 99,7% des vidéos ont moins d'un million de vues.
D'ailleurs, dans les vidéos ayant un million, quelques centaines ou même quelques dizaines de vues, je m'aperçois que la plupart de ces vidéos ne sont même pas vraiment des vidéos de ce qu'on qualifie couramment "d'industrie". Entre les clips d'un groupe de rap appelé Black Industrie ou des reportages sur l'Industrie du porno, on est un peu hors des clous. Comme dirait Michel Blanc : "vas-y, fonce, oublie que tu n'as aucune chance, sur un malentendu ça peut marcher".
Bref, je pense qu'il est très correct de dire que les vidéos industrielles françaises sont très peu vues. Parce que quelques centaines de vues ne permettent pas de promouvoir une entreprise industrielle.
Sachant que certaines sociétés de production audiovisuelle vendent des vidéos à 30 000 € ou plus, ça fait cher de la vue !
Mettez-vous à la place d'un industriel : achèteriez-vous une prestation qui vous coûterait 100 € la vue dans la majorité des cas ? Mieux vaut un encart de pub dans le canard local.
Il n'est guère étonnant que mon ami fasse le constat déprimant que la réalisation de vidéos industrielles soit extrêmement difficile à vendre. Même en cassant les prix. Les entreprises qui ont essayé ont été déçues. Les autres ont appris les mauvaises expériences des autres et n'ont pas envie de tomber dans le panneau. On les comprend.

Un mal français ?

On peut se demander si le problème est un problème de fond (la vidéo et l'industrie, ça fait deux), ou s'il y a une spécificité française.
Je n'ai pas d'éléments statistiques pour trancher, si ce n'est que les vidéos industrielles allemandes sont bien mieux référencées sur Youtube (malgré une recherche paramétrée pour la France). Je pourrais les avoir, ces éléments statistiques, avec l'API Youtube. Mais ça demanderait d'y passer pas mal de temps, un peu trop sans doute.
Je ne mentionnerai que quelques pistes de réflexion :
  • Les quelques vidéos que je me suis amusé à visionner sont souvent austères. Parfois, le réalisateur a filmé les standardistes. Véridique ! Parfois, ce sont des "diapositives animées", des photos qui se succèdent avec une musique d'ascenseur. C'est soviétique, si vous voyez ce que je veux dire. À 30 000 €, la boîte de prod' pourrait se fouler.
  • Le sujet industriel, même bien réalisé, n'est certainement pas susceptible de "buzzer". Or les vidéos qui ne buzzent pas ne sont guère vues que par les personnes qui ont eu le lien vers la vidéo en première main. Les amis du chef d'entreprise et ceux de ses employés, ça doit bien faire quelques dizaines de personnes. Et pourtant, je suis sûr que certaines vidéos sont susceptibles d'intéresser des centaines de milliers d'ingénieurs, de techniciens ou de passionnés de technologie. Il manque donc une vraie machine à diffuser les bonnes vidéos. Et croire que le simple fait de poster la vidéo sur Youtube va créer du référencement efficace pour l'entreprise est très certainement un mythe.
  • Enfin, désormais chacun ou presque dispose d'un smartphone avec une caméra intégrée. La jeune génération l'utilise nettement plus que les gens d'âge mûr, parfois de manière quotidienne, et souvent avec des capacités de réalisation bluffantes pour des amateurs. Le métier de réalisateur de films industriels est en danger. Pourquoi faire réaliser une vidéo pour 30 k€, quand le fils aîné du patron ou le stagiaire à la comptabilité peut en faire une gratuitement, et qui sera peut-être beaucoup plus facile à regarder et à diffuser ?
L'industrie n'a pas encore trouvé la bonne manière d'exploiter l'outil formidable qu'est la vidéo avec les moyens actuels dont chacun dispose. C'est sans doute vrai de l'économie en général. À quand un nouveau média ?

mardi 2 décembre 2014

Rencontres inter-industries Deucalion

La médiation technique, ça commence par des rencontres entre personnes de milieux industriels différents. C'est pour cette raison que j'ai eu envie de créer des événements propices à ces rencontres.
Avec mon équipe, nous lançons les

Premières Rencontres inter-industries Deucalion

Elles auront lieu le 9 février après-midi à Paris.

Leur format :
  • une bonne dizaine d'entreprises vont "pitcher" (c'est-à-dire présenter en moins de 5 minutes) leurs solutions technologiques
  • à un public constitué d'ingénieurs ou de dirigeants techniques et R&D
  • avec un cocktail permettant aux pitcheurs de discuter avec les ingénieurs séduits par leurs technologies
  • et ceci en moins de trois heures.
L'événement est payant, pour couvrir nos frais d'organisation. Si vous prenez vos billets assez tôt, cela ne vous coûtera toutefois que 30€ HT pour assister aux présentation. Ce n'est pas cher payé, surtout si vous découvrez plusieurs solutions technologiques dont vous ignoriez l'existence !

Pour accéder à la billetterie, cliquez sur le bouton qui suit :
Achetez vos billets

mercredi 29 octobre 2014

Annonce d'un concours

La constitution d'une base documentaire technologique comme Deucalion est un travail de longue haleine, et qui ne peut relever d'une seule personne, ni même d'une poignée de personnes, aussi brillantes et cultivées en technologies soient-elles.
C'est pourquoi je suis à la recherche de rédacteurs d'articles pour Deucalion. Et pour dynamiser cette recherche, j'ai décidé avec mon équipe de lancer un


Grand concours de rédaction d'articles 

Ce concours va être lancé début novembre, donc incessamment sous peu. Il sera doté au total de 4000 €, avec un gros lot à 1000 € et des dotations dégressives jusqu'au 40e lauréat.
Je ne résiste pas à l'envie de vous montrer l'affiche du concours :

Envie de participer ? Un peu de patience, nous allons bientôt lancer officiellement le concours. À vos plumes !

jeudi 23 octobre 2014

Un moyen récent de financer du développement industriel

Je discutais hier avec un entrepreneur sur le développement de son activité. Il me disais qu'une de ses difficultés était que les solutions qu'il développait étaient bloquées par leur prix.
En effet, les prototypes qu'il développe sont évidemment bien plus chers que des produits de série. Or seul un prix de série lui permettrait de vendre ses produits. Comme il n'a pas les moyens d'investir, il est coincé.
Je lui ai alors parlé d'un moyen de financement récent, encore peu utilisé dans l'industrie.

La prévente participative

Vous avez sans doute entendu parler des plateformes de financement participatif comme Kickstarter. Le principe consiste à l'appel à des particuliers pour financer un projet. J'en ai déjà parlé sur ce blog (ici, ou encore ).
L'une des formes les plus efficaces de ce financement participatif est la prévente. Vous souhaitez lancer un produit de votre invention, par exemple une banane magique. J'ignore ce qu'elle peut faire, cette banane magique, c'est votre idée, après tout, à vous de la rendre sexy.
Disons que réaliser un prototype de banane magique avec des moyens artisanaux coûte 1000 €. Vous l'avez fait une fois, ça marche, vous pouvez recommencer plusieurs fois, mais une petite étude de marché vous montre que le prix maximal que les gens seraient prêts à dépenser pour une banane magique est de 200 €. C'est évidemment impossible de lancer le produit dans ces conditions.
Mais vous savez que si vous investissez 200 000 € dans une chaîne de production, vous arriverez à produire votre banane magique à un coût de 100 € pièce. Ainsi, si vous arrivez à vendre 2 000 bananes magiques à 200 €, soit un chiffre d'affaires de 400 000 €, vous couvrez le coût de fabrication des bananes (200 000 €) et l'investissement.
Mais quelle banque vous prêtera 200 000 € pour industrialiser la production de bananes magiques ? Probablement aucune. Pourtant, vous pensez pouvoir trouver 2 000 clients si le prix est de 200 €.
Vous lancez donc une campagne de financement participatif, sur le principe du don pour don. Vous demandez un don de 200 € en contrepartie d'une banane magique, sachant que cet échange n'aura lieu que si vous atteignez 400 000 € de dons. Il s'agit en quelque sorte d'une prévente, puisque vous ne pouvez pas encore produire la banane magique en série. De plus, vous ne vous engagez pas sur la vente, puisque elle n'aura lieu que si vous atteignez votre objectif in fine.
Donc de deux choses l'une :
  • Soit vous atteignez votre objectif, vous récupérez 400 k€, vous achetez votre ligne de production, vous produisez 2000 bananes, vous les offrez aux donateurs, et vous vous retrouvez avec un outil de production capable de produire des bananes magiques à 100 € pièce. Vous n'avez plus qu'à en vendre beaucoup pour devenir riche, ou éventuellement lancer le projet de vos rêves depuis toujours, l'ananas magique.
  • Soit vous n'atteignez pas votre objectif, vous remboursez les sommes déjà versées à vos donateurs, et cela ne vous a coûté que du temps et de la communication. En plus, vous savez qu'il n'y a pas de marché suffisant pour les bananes magiques, vous pouvez passer à un autre projet sans regret.
À tous les coups on gagne. Ou en tous cas on ne perd pas.

La prévente industrielle ?

Là, évidemment, c'est pour des produits grand public. Dans l'industrie, en B2B, on n'achète pas des bananes magiques, mais plutôt des équipements coûteux utiles pour la production. Par exemple, des éplucheurs industriels de bananes magiques. Les montants sont plus gros (ajoutons un ou deux zéros), les clients sont des industriels plutôt que des particuliers, mais le principe est le même.
Les plateformes de financement participatif actuelles ne sont pas faites pour des clients industriels. Elles visent à faire le buzz, à faire venir avec le minimum d'effort des donateurs pour des projets sur la base de contreparties attractives pour des particuliers et de vidéos rigolotes. Vous voyez un industriel donner 20 k€ en ligne pour un éplucheur de bananes magiques sur la base d'une vidéo ? Non, c'est plus que douteux.
Mais rien n'empêche d'utiliser la démarche de la prévente participative pour un tel projet industriel. Il faut simplement consacrer plus de temps et d'énergie, contacter des prospects industriels directement, peut-être communiquer dans la presse spécialisée, mais si le produit que vous voulez commercialiser est séduisant au prix de la série, le mécanisme précédent vous permet d'obtenir le financement que vous cherchiez, en toute sécurité.
Je ne connais pas de projet industriel financé par ce mode-là, mais je pense que cela doit exister, et je suis convaincu que c'est une technique d'avenir.
Et une vraie solution aux problèmes d'investissement en innovation industrielle.