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mardi 30 septembre 2014

Penser "out of the box"

Je me souviens d'une anecdote datant d'il y a quelques années, ou il m'a fallu penser "out of the box", sans que rien ne m'y prépare. Peut-être que cette histoire sera utile à l'un d'entre vous.

Out of the box thinking ?

Littéralement "penser hors de la boîte", l'expression est plus commune en anglais, même parmi les francophones.
C'est assez imagé : vous êtes prisonnier de votre mode de pensée habituel, comme dans une boîte, et cela vous empêche de résoudre un problème. Alors, il faut changer son mode de pensée, réviser des hypothèses de travail (souvent implicites et cachées) qu'on s'impose sans toujours les avoir justifiées, bref, faire preuve d'audace intellectuelle.
Son usage est un lieu commun de l'innovation, et je n'insisterai pas sur ce point. Il est évident que pour innover, il faut faire quelque chose d'original.
Mais la situation que j'ai rencontrée à l'époque n'était pas spécifiquement une situation où l'on cherchait l'innovation.
Jeune ingénieur, je devais déterminer comment les réglages de position de quelques aimants sur une barre pouvait impacter le champ magnétique en surface d'un tube. Inutile de me demander un dessin, l'application est confidentielle.
Pour un spécialiste de modélisation physique comme moi, l'affaire semblait entendue. Je savais calculer par ordinateur le champ magnétique des aimants individuels en fonction de la distance, donc c'était un simple problème de calcul.
Sauf que la comparaison entre l'expérience et la théorie ne collait pas. Je me trompais quelque part.
Le réglage de la position des aimants se faisant par l'intermédiaire de petites cales qu'on venait positionner entre une barre métallique accueillant les aimants et un support rigide avant de serrer la barre et le support avec des vis, j'ai soupçonné que le serrage était insuffisant. Il devait y avoir du jeu, et il suffisait de serrer à fond.

Épiphanie

J'ai donc serré et resserré des vis, refait des mesures, et ça ne collait guère plus. Et l'illumination s'est produite lors d'un événement parfaitement inattendu : en serrant au maximum de mes forces l'une des vis (j'étais un peu bourrin sur les bords), j'ai fini par casser une vis. Penaud, j'ai fini par comprendre que j'étais à côté de la plaque. Qu'il fallait chercher ailleurs.
Mais où ? Remettre en cause la physique ? Très douteux. J'ai fini par me dire que le problème n'était pas dans la relation entre le champ magnétique et la position des aimants, mais entre la position des vis et la position des aimants.
Eh oui ! Mon hypothèse implicite était que le serrage mécanique déformait la barre sans déformer le support, d'apparence bien plus rigide, et que la barre se déformait un peu comme un élastique tendu. Bref, une simplification à outrance de la mécanique de la déformation du système.
Ne me jetez pas la pierre toute suite ! C'est facile a posteriori, mais tous les physiciens font des simplifications pour traiter leurs problèmes. Sinon rien n'est calculable. L'art du théoricien, c'est de savoir quelles approximations faire. Et là, je ne m'étais même pas rendu compte que j'en faisais une.
Bref, après quelques vérifications calculatoires (la déformation mécanique était si faible qu'elle n'était pas mesurable avec les outils dont je disposais), je parvins finalement à faire coller théorie et expérience. Il suffisait de penser hors de mon cadre de pensée (magnétisme et géométrie simpliste) pour passer à un autre cadre (avec un peu de mécanique simple en plus). C'est juste que je n'avais pas été préparé à penser "out of the box".
Peut-être rencontrerez vous un jour une situation similaire. J'espère que mon article vous évitera de casser une vis, ou quelque chose de bien plus coûteux.

lundi 4 avril 2011

De l'alimentation animale au chauffage domestique

Une technique développée et maîtrisée dans un secteur d'activité donné est souvent cloisonnée à ce secteur. Mais une réflexion créative permet d'ouvrir des opportunités d'applications vers d'autres secteurs d'activités, comme l'a démontré la société Alpha-Luzerne.

Adapter une technique existante à un nouveau marché

Alpha-Luzerne est une société champenoise qui à l'origine fabriquait des granulés de luzerne, comme son nom l'indique, et plus généralement d'autres végétaux destinés à l'alimentation animale.
Cette société s'est rendu compte que sa technique de fabrication des granulés était qualitativement proche de celle utilisée par les fabricants de granulés en bois destinés au chauffage individuel des habitations. L'idée lui est venue d'adapter sa technique à ce marché en pleine croissance.
Il a fallu un an à Alpha-Luzerne pour aboutir, et elle a rapidement produit plus de 100 tonnes de granulés en bois par mois.
Pour plus de détails, consultez l'article de Carinna, l'agence pour la recherche et l'innovation en Champagne-Ardenne : http://www.carinna.fr/spip.php?page=article&id_article=1298

Changer de secteur nécessite des adaptations

La leçon à tirer de cet exemple est qu'il est souvent possible d'utiliser une technique spécifique d'un secteur d'activité à un autre, mais qu'il est généralement nécessaire d'adapter cette technique.
Dans le cadre d'une médiation technique visant à obtenir la connaissance d'une technique, le client doit être conscient que la médiation technique n'est que la première étape. On ne peut s'attendre à ce qu'une technique optimisée pour un métier donné s'applique telle quelle à un autre métier, et une adaptation est nécessaire. Un effort de développement est donc à prévoir.
En revanche, passer par une médiation technique permet de ne pas partir d'une feuille blanche, et de s'appuyer sur des connaissances éprouvées. Le gain de temps est considérable. Dans le cas d'Alpha-Luzerne, sa connaissance de la technique de fabrication de granulés lui a permis de développer une solution opérationnelle en un an, de quoi rendre jaloux la plupart des startups industrielles. Mais dans le contexte d'Alpha-Luzerne, plutôt que d'utiliser le mot anglais startup, il faudrait peut-être utiliser l'expression française de jeune-pousse...

jeudi 3 mars 2011

Archéologie, nucléaire et créativité

L'archéologie est une science essentiellement pertinente pour comprendre l'histoire et la préhistoire humaine. Pourtant, il arrive qu'elle trouve des applications technologiques parfaitement modernes.

Assurer la sécurité de l'entreposage sur des milliers d'années

Le stockage des déchets nucléaires est une problématique de très long terme. En effet, la durée de vie de certains atomes faiblement radioactifs est gigantesque (parfois plusieurs dizaines de milliers d'années), et comme ces atomes peuvent engendrer par leur désintégration des atomes nettement plus radioactifs, cela signifie qu'un déchet nucléaire peut présenter un danger sur des durées similaires.
Il faut donc trouver une solution de stockage qui soit particulièrement durable. C'est pourquoi l'Agence Nationale de gestion des Déchets RAdioactifs (ANDRA) a imaginé un système de stockage multi-barrières. Il s'agit d'un système gigogne (c'est-à-dire comme des poupées russes) de plusieurs barrières évitant aux déchets radioactifs de quitter le système. Il y a successivement :
  • le colis vitrifié : les déchets sont incorporés à une matrice en verre spécial, qui joue un rôle de barrière à la migration des atomes radioactifs ;
  • un conteneur en acier inox, dont le rôle est de sécuriser la manipulation des colis lors de l'entreposage ;
  • un surconteneur en acier faiblement allié, qui sert à éviter que de l'eau accède aux colis pendant 1 000 à 10 000 ans ;
  • une barrière ouvragée en argile gonflante, peu perméable à l'eau et qui retient les ions issus de la corrosion des conteneurs métalliques ;
  • et enfin le milieu géologique de stockage.
Pour assurer la durée de vie de 10 000 ans du surconteneur, on ne peut se contenter d'études de corrosion sur quelques années ou dizaines d'années. Or les données expérimentales sur la plupart des alliages métalliques datent des deux derniers siècles, dans la mesure où ils n'existaient pas avant.

Il existe des techniques permettant d'accélérer artificiellement le vieillissement d'un métal, mais ces techniques ne permettent pas de multiplier la vitesse par 100 ou 1 000 avec l'assurance d'obtenir des résultats pertinents.
De même, la simulation numérique permet d'accéder à des durées similaires à celles du stockage, mais on ne dispose pas d'un recul suffisant pour valider une telle approche, d'autant que la simulation métallurgique reste complexe et pas parfaitement maîtrisée.
Comment faire pour disposer d'un recul suffisant ?

L'archéologie à la rescousse

L'ANDRA a été créative pour débloquer la situation. Elle a fait en quelque sorte usage de la technique de la baguette magique, qui consiste à oublier pendant un instant les contraintes du problèmes, comme si on disposait d'un pouvoir magique, pour imaginer la solution. Voici en substance son raisonnement.
La contrainte majeure est le temps de recul dont on dispose. Supposons que, d'un coup de baguette magique, on dispose d'un tel recul.
Par exemple, si un expérimentateur de l'Antiquité, particulièrement visionnaire et anticipateur, avait entreposé une batterie d'alliages métalliques sous terre, les données expérimentales seraient disponibles aujourd'hui.
Bien sûr, un tel expérimentateur n'existe pas, mais ce qu'il aurait fait s'il avait existé, c'est de placer des objets métalliques pendant des centaines ou des milliers d'années dans la terre. Or on trouve de tels objets en faisant des fouilles archéologiques. Peut-on se servir d'objets archéologiques pour choisir des alliages qui se corrodent peu sur des milliers d'années ?
La réponse est positive. On pourra par exemple consulter la thèse de doctorat de Delphine Neff pour en savoir plus : http://iramis.cea.fr/lps/TheseNeff/indexneff.htm
Ce travail est une médiation technique originale entre deux domaines très différents, l'industrie nucléaire et l'archéologie.

lundi 21 février 2011

Trouver un sous-traitant

La médiation technique ne se limite pas à la recherche d'un expert ou d'un équipement. Elle peut aussi servir à l'identification d'un partenaire industriel.
Cet exemple provient de l'Agence Régionale de l'Innovation d'Alsace (ARI Alsace). Voir la fiche : www.ari-alsace.eu/media/182/oeltechnik.pdf

Problématique

L'entreprise Oeltechnik de Munster (Haut-Rhin), 50 employés, a fait développer en 2000 par l’École d'Ingénieurs Textiles de Roubaix (ENSAIT) un filtre à huile innovant, qui permet un meilleur maintien des résidus d'huile dans le filtre.
Mais elle n'a pas trouvé de sous-traitant capable de fabriquer ce produit.

Solution apportée par une médiation technique

En 2006, suite à un contact entre le chef d'entreprise et une conseillère en développement de l'ARI Alsace, celle-ci a réalisé une mission de médiation technique.
Elle a identifié une dizaine d'entreprises potentiellement capables de réaliser les filtres, dont quatre ont été retenues par Oeltechnik pour une demande de devis.
Quatre mois après le premier contact, un sous-traitant a été retenu pour lancer la fabrication.

Bénéfices pour l'entreprise

La médiation technique de l'ARI Alsace a permis à Oeltechnik :
  • d'industrialiser une innovation qui dormait dans les cartons depuis 6 ans,
  • d'améliorer ses produits au profit de ses clients,
  • de se différencier de ses concurrents.