mardi 3 avril 2012

De la biologie à l'ingénierie

En visitant récemment quelques usines, une thématique récurrente de l'ingénierie m'est apparue à nouveau. Toutefois, cette fois-ci, j'ai fait une association d'idées avec un article récent d'une de mes connaissances.

Le problème de l'ingénierie

Si les appareils ménagers sont aujourd'hui fréquemment dimensionnés pour ne durer que peu de temps (quand avez-vous changé de téléphone portable pour la dernière fois ?), l'industrie nécessite souvent des équipements lourds, coûteux, et qu'elle ne souhaite pas changer trop rapidement, ni maintenir à grands frais. Il faut donc acheter des machines à longue durée de vie.
Ainsi, l'on trouve souvent dans les usines des machines ayant plus de 10 ans, voire 20 ou 30 ans. Et des équipements encore plus vieux ne sont pas si rares.
Ce n'est pas un problème en soi : un équipement durable, c'est un investissement bien étudié, une source d'économies pour l'entreprise, et un prix plus bas pour le client. Et pour peu qu'il n'existe pas de solution plus écologique, c'est très "développement durable".
Néanmoins, la crise (qui date en fait d'une bonne quarantaine d'années, et non de 2008) s'est souvent traduite par la fermeture des entreprises ayant réalisé ces machines. L'entreprise ayant acheté il y a 30 ans un équipement industriel lourd à une PMI ayant mis la clé sous la porte n'a plus personne à qui s'adresser pour l'aider lorsque l'équipement tombe en panne. Elle se trouve donc fort démunie lorsque la bise fut venue, comme dirait la cigale de la fable.
Eh oui, la durabilité de la machine est compromise par la fermeture de son fabriquant. On n'a plus de pièces de rechanges, et surtout plus de plans.
Si l'entreprise veut réparer sa machine, elle est obligée de refaire des plans (si elle en est capable), ou de demander à un bureau d'étude extérieur de le faire, sans garantie que la conception initiale soit parfaitement comprise par l'ingénieur chargé de cette délicate mission. On peut également inclure dans la discussion les tolérances dimensionnelles (qui assurent le serrage ou au contraire la capacité à coulisser), qui corsent le problème. Sans parler de l'analyse éventuelle de la nature des matériaux utilisés qui s'assimile à une devinette (tel acier est-il un inox ? un acier galvanisé suffit-il ?) ou qui nécessite une analyse métallurgique fine.
Bref, ce jeu de devinettes, qu'on appelle en anglais le reverse engineering, ou en bon français rétroingénierie, est difficile, incertain, coûteux, et peut prendre beaucoup de temps.

La solution biologique

C'est en lisant un article sur les quines (programmes informatiques auto-répliquants) dont l'inspiration est biologique que m'est venue une solution originale.
En effet, sans rentrer dans les détails déjà évoqués dans l'article en question, que je vous invite à lire, l'un des points-clés de la capacité des êtres vivants à se reproduire est que leur plan de conception, l'ADN, est stocké dedans.
L'idée est donc la suivante : lorsqu'un fabricant produit une pièce ou un équipement complexe, il faut qu'il inclue, d'une manière ou d'une autre, un plan de fabrication dessus, dont la lisibilité est durable.
On peut ainsi imaginer, de la manière la plus simple possible, qu'une perceuse fabriquée par un fabricant d'outillage puisse inclure une petite plaque métallique à l'intérieur, sur laquelle est gravée le plan de la perceuse.
Bien entendu, il faut résoudre un tas de problèmes techniques : le gravage doit être fait à une petite échelle afin de stocker toute la complexité de la perceuse, l'inscription doit être protégée de l'usure, et le plan doit pouvoir être lisible même en cas de casse de la plaque.
Il est peut-être plus judicieux de penser à un codage robuste et compact des plans, mais il faut s'assurer que le format soit pérenne dans le temps et si possible universel (codage ISO en XML ?).
On peut à l'extrême envisager d'aller jusqu'à prévoir d'inclure dans chacune des pièces élémentaires (vis, écrous...) un tel codage. Ou à l'inverse, se contenter de stocker un code très court associé à une adresse internet (sur le modèle des URL réduits) qui comportera le détail du plan, mais il faut alors qu'une structure indépendante permette de garantir la durabilité des plans, sur l'exemple du dépôt légal pour les livres.
Les fournisseurs n'ayant aucune raison aujourd'hui de produire ces plans, une incitation forte par les clients (ou par la loi) semble nécessaire à la mise en place de ce type de solution. Seul une grosse industrie, comme l'automobile, pouvant avoir à la fois le poids économique et la capacité à définir une norme, espérons que Renault et PSA s'intéressent à cette idée.

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