Un moyen d'innover plus efficacement
Il n'est pas possible de recenser toutes les méthodes qui permettent d'optimiser l'effort d'innovation d'une entreprise, mais on peut les regrouper en :
- des méthodes de rationalisation : utilisation de méthodologies de gestion de projet, analyse des besoins réels, élimination du superflu, simplification du problème... ;
- des méthodes de créativité : conception d'une autre démarche pour atteindre l'objectif, conception d'une innovation similaire mais plus facile à réaliser... ;
- des méthodes d'externalisation (de tâches mieux maîtrisées ailleurs) : sous-traitement d'une partie du projet, partenariat, consortium... ;
- et des méthodes d'internalisation (de ressources disponibles ailleurs) : documentation, formation, location d'équipement, recherche de subvention, recrutement...
En 1986, Dyson lance un aspirateur à séparation cyclonique sans sac. La technique de séparation cyclonique pour séparer la poussière d'un gaz était bien connue dans l'industrie, mais n'avait jamais été appliquée à l'électroménager. Il s'agit d'un cas typique d'internalisation d'une technologie.
Les deux premiers groupes de méthodes (rationalisation et créativité) dépendent essentiellement de ressources internes à l'entreprise. De nombreux consultants proposent de former à ces méthodes ou d'accompagner leur mise en œuvre et le sujet ne sera pas développé ici.
Dans les deux derniers groupes de méthodes (externalisation et internalisation), il est souvent nécessaire d'identifier une entreprise adéquate (au sens large : il peut s'agir un organisme privé, un laboratoire...) et de conclure un accord avec elle. Mais la tâche n'est pas toujours évidente.
En effet, il faut trouver une entreprise disposant de la ressource technique que l'on recherche, qu'elle soit humaine (un expert) ou matérielle (un équipement). il est possible qu'une telle entreprise ne commercialise pas l'accès à cette ressource. Dans ce cas, elle n'en fait pas publicité.
De plus, l'entreprise en question n'est pas forcément un fournisseur connu, et il est parfois nécessaire de sortir de son secteur d'activité pour trouver le bon partenaire.
En outre, même si une entreprise idoine est trouvée, il faut encore négocier la mise à disposition de la ressource dans un cadre juridique inhabituel pour chacune des parties.
Enfin, surtout quand il s'agit d'acquérir des connaissances techniques auprès d'experts d'un autre secteur d'activité, il est important d'éviter les incompréhensions et les omissions.
Il est difficile de se lancer dans de telles démarches sans expérience. La médiation technique consiste précisément à prendre en charge ces tâches de mise en contact et d'accompagnement de la négociation, de la mise à disposition de la ressource technique et de l'échange de connaissances.
Comment la médiation technique peut être utile
Voici trois situations typiques où la médiation technique apporte un bénéfice évident.
- Un ingénieur spécialiste des matériaux pour l'aéronautique veut fabriquer un matériau capable d'absorber le bruit au sein des tuyères des avions. Sa démarche spontanée est de fabriquer un tas d'échantillons et d'appliquer un plan d'expérience. Mais sans connaissance technique préalable sur les matériaux acoustiques, la tâche s'annonce longue.
La médiation technique peut identifier un expert des matériaux acoustiques, capable de lui indiquer les paramètres clés pour obtenir une bonne absorption (porosité, taille caractéristique des pores...) : il économise alors un grand nombre d'essais, réduit les dépenses et les délais en conséquence et augmente ses chances d'aboutir. - Un directeur technique hésite à investir dans un équipement moderne très lourd. Cet équipement, d'après le vendeur, a permis à ses clients d'augmenter la productivité de ses lignes de production. Toutefois, il est très coûteux (1 million d'euros), et le directeur technique craint que le retour sur investissement ne soit pas satisfaisant. Néanmoins, le directeur général fait pression auprès de lui pour augmenter sa productivité, et sans argument précis contre cet équipement, l'entreprise va passer commande.
En faisant appel à la médiation technique, il trouve une entreprise disposée à lui louer l'équipement en question pendant le mois d'août, sa période de fermeture annuelle, pour 2% de l'investissement nécessaire. Au bout d'un mois d'essais, le directeur technique constate que l'équipement n'apporte pas un gain suffisant pour rentabiliser l'investissement : il a économisé un investissement lourd et, au final, inutile. - Un chef de projet, travaillant sur un procédé pour l'industrie électronique, envisage d'utiliser une vitrocéramique percée de trous très fins pour réaliser un filtre laissant passer le rayonnement infrarouge. Malheureusement, il ne sait pas comment réaliser des trous aussi fins sans briser la vitrocéramique, matériau très fragile, avec les techniques courantes de découpe de la vitrocéramique. Il est alors tenté d'abandonner son idée.
La médiation technique lui permet d'identifier une entreprise qui propose une méthode de perçage à base de choc thermique par laser. Elle permet de percer des trous fins et réguliers si l'épaisseur de la vitrocéramique n'est pas trop grande. Moyennant quelques adaptations, le chef de projet peut réaliser un prototype de filtre, le tester avec succès, et réaliser une amélioration de son procédé industriel lui permettant d'obtenir une qualité de produit très supérieure à celle de ses concurrents : il fait ainsi gagner des parts de marché.
Les structures publiques et la médiation technique
Certaines structures publiques réalisent des missions de médiation technique.
Ainsi, la mise en relation d'entreprises et de laboratoires est facilitée par la mise en place des CRITT (Centres Régionaux pour l'Innovation et le Transfert de Technologie) dans de nombreuses métropoles régionales. De grands organismes de recherche comme l'ONERA ont des structures spécifiques pour collaborer avec des entreprises.
Le rapprochement d'entreprises d'un même secteur d'activité et situées dans une même région est favorisé par la mise en place de "grappes d'entreprises", c'est-à-dire d'un réseau d'entreprises coordonné par une structure (association, groupement d'intérêt économique...) qui facilite les échanges entre ces entreprises et les projets communs. Les grappes les plus développées sont reconnues par l'État français sous le terme de "pôle de compétitivité".
Enfin, les ARI (Agences Régionales de l'Innovation) ou ARITT (Agences Régionales pour l'Innovation et le Transfert de Technologie) assistent les entreprises dans la mise en place de leurs projets innovants.
Les prochains articles sur ce blog présenteront les divers aspects du travail d'un médiateur technique.
Une démarche structurée
Trouver des ressources techniques à l'extérieur de l'entreprise n'est pas évident, et pour assurer son succès, l'entreprise a intérêt à appliquer une démarche structurée. La médiation technique apporte cette méthodologie.
Une mission typique comporte un certain nombre d'étapes, qui seront approfondies dans les articles suivants de ce blog :
- la définition du besoin, étape essentielle préalable à la mission proprement dite,
- la recherche créative de profils d'entreprises partenaires,
- la prospection d'entreprises,
- la négociation avec un partenaire potentiel,
- et la contractualisation pour aboutir à un accord de mise à disposition d'une ressource technique.
- l'explicitation des connaissances et des raisonnements d'un expert,
- et la formalisation de ce savoir technique.
Un métier
Il est possible d'improviser une médiation technique, mais comme toute méthodologie complexe, il est préférable de confier la tâche à un spécialiste, soit au sein de l'entreprise, soit en faisant appel à une entreprise extérieure.
Ce spécialiste est un médiateur technique.
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