mercredi 16 mars 2011

Quand les critères de recherche sont contradictoires : les optimums de Pareto

Les gens ont besoin d'images, ils ont besoin d'émotion, de lyrisme. La danse permet de mélanger un plaisir esthétique, un plaisir dynamique et un plaisir émotionnel. Un minimum d'explications, un minimum d'anecdotes, et un maximum de sensations. (Maurice Béjart)
Une médiation technique démarre généralement par la définition d'un cahier des charges de recherche. Il y est défini la nature de la ressource à rechercher (par exemple : une voiture), les contraintes que la ressource doit respecter (la taille du coffre doit dépasser une valeur minimale) et les paramètres que l'on souhaite optimaux (le prix doit être le plus bas possible, la consommation aussi).
Lorsqu'il n'y a aucun paramètre à optimiser, la première ressource venue qui respecte les contraintes fait l'affaire, même s'il y en a d'autres. Mais cette situation est assez rare, car le prix d'une ressource est souvent à minimiser.
Lorsqu'il a un seul paramètre à optimiser, c'est également assez simple, car il est facile de trier les différentes ressources trouvées et de choisir la meilleure.
Mais que faire lorsque deux paramètres sont à optimiser ?

Un exemple de situation contradictoire

Plaçons-nous dans une situation typique. Vous voulez acheter une voiture neuve qui soit la plus rapide possible et aussi la moins chère possible. Ne rêvez pas : une voiture qui soit à la fois la moins chère et la plus rapide, ça n'existe pas.
Faut-il en déduire que toutes les voitures se valent ? Certainement pas ! Il existe parmi toutes les voitures du marché un sous-ensemble de voitures qui sont "meilleures" que les autres.
Prenons à titre d'illustration la liste fictive suivante :
  • La voiture A coûte 10 000 € et roule à 140 km/h
  • La voiture B coûte 15 000 € et roule à 110 km/h
  • La voiture C coûte 11 000 € et roule à 130 km/h
  • La voiture D coûte 13 000 € et roule à 150 km/h
  • La voiture E coûte 12 000 € et roule à 170 km/h
La voiture A est meilleure que la voiture B sur tous les critères : elle est moins chère et roule plus vite. Elle est également meilleure que la voiture C. Les voitures B et C sont dites dominées par la voiture A.
Par contre, la voiture A roule moins vite que la voiture D, qui en revanche est plus chère. La voiture A ne domine pas la voiture D, mais la voiture D ne domine pas la voiture A non plus. C'est également le cas entre la voiture A et la voiture E. Aucune voiture ne domine donc la voiture A. En ce sens, la voiture A fait partie des "meilleures" voitures, on dit que la voiture A est un optimum de Pareto.
On peut vérifier que la voiture E est aussi un optimum de Pareto, mais ce n'est pas le cas de la voiture D qui est dominée par E.
Quel est l'intérêt de ces optimums ? Tout simplement, on peut oublier toutes les  voitures qui ne sont pas des optimums de Pareto, car par définition elles sont toutes dominées par une autre voiture : pourquoi acheter la voiture B ou la voiture C si on peut acheter la voiture A, et pourquoi acheter la voiture D quand on peut acheter la voiture E ? Les voitures A et E sont donc "meilleures" que les autres.

Comment choisir ?

Lorsqu'on recherche une ressource technique avec des critères contradictoires, on peut se trouver dans cette situation gênante d'avoir deux ressources (voire bien plus) qui sont des optimums de Pareto. Certes, les voitures A et E sont meilleures que les autres, et on a réduit sensiblement le choix, mais faut-il choisir la voiture A ou la voiture E ?
Plusieurs réponses peuvent être proposée.
On peut convenir que tout optimum de Pareto est satisfaisant et en choisir un au hasard, le premier venu.
On peut également choisir de privilégier l'un des critères. Cela revient en fait à se ramener à une optimisation à un seul paramètre, et l'autre critère est complètement ignoré. Ce n'est donc pas très satisfaisant pour le client qui considère l'autre critère comme également pertinent pour lui.
Une autre approche, plus élaborée, consiste à choisir une combinaison des critères, comme par exemple chercher à maximiser la vitesse (en km/h) moins le prix (en €) divisé par 1 000. Cette "vitesse réduite par le prix" vaut respectivement :
  • Pour la voiture A : 130 km/h
  • Pour la voiture B : 95 km/h
  • Pour la voiture C : 119 km/h
  • Pour la voiture D : 137 km/h
  • Pour la voiture E : 158 km/h
On se ramène donc en pratique à une sélection à un seul paramètre. Le choix de la formule choisie est toutefois arbitraire (pourquoi 1 000 ? pourquoi pas 100 ou 10 000 ?) et elle mérite une réflexion de la part du client. On est dans une logique de compromis.
On peut aussi introduire un critère a posteriori qui les départage, en dehors des critères à optimiser. Par exemple, la taille du coffre de la voiture, ou sa consommation. Il est important de voir que ce troisième paramètre joue un rôle particulier, car il aurait aussi pu être introduit a priori dans l'optimisation, mais dans ce cas le nombre d'optimums de Pareto augmente (il est plus difficile d'être dominé sur trois critères que seulement sur deux). Le critère choisi a posteriori doit donc être un critère moins important que les deux premiers.
D'autres stratégies plus complexes sont possibles. En fait, il n'y a pas une manière privilégiée de traiter le problème du choix. Tout optimum de Pareto est a priori aussi bon qu'un autre, dans la mesure où aucun des deux ne domine l'autre, et il faut rajouter un élément de décision.

L'optimum de Pareto en cours de recherche

Lors d'une recherche d'entreprises qui disposent de ressources techniques, il est parfois possible de trouver plusieurs entreprises candidates. Généralement, les ressources techniques proposées se différencient au moins par le prix, mais parfois aussi par un ou plusieurs critères les différenciant, comme la puissance du moteur pour une machine électrique.
On est alors dans une situation d'optimisation similaire à la précédente, à deux détails près : le nombre d'entreprises candidates varie avec le temps (la recherche en cours peut apporter de nouvelles entreprises candidates, certaines peuvent refuser de poursuivre les négociations), et le prix proposé par chaque entreprise candidate pour sa ressource technique peut évoluer en cours de négociation.
Si aucune évolution n'avait lieu, il s'agirait simplement de choisir parmi les optimums de Pareto vis-à-vis de l'offre de ressource technique. L'évolution du nombre d'entreprises candidates va toutefois rendre dominés certains optimums de Pareto (cas d'une nouvelle entreprise identifiée), ou rendre optimale une offre précédemment dominée (cas d'une entreprise qui se rétracte). De même, la négociation peut mener une entreprise à revenir sur le prix qu'elle propose et rendre optimale son offre auparavant dominée.
Le médiateur doit donc avoir les soucis suivants :
  • la recherche d'entreprises doit être poursuivie le plus longtemps possible, afin d'obtenir de meilleures offres ;
  • les négociations en cours avec les diverses entreprises candidates doivent au maximum être maintenues avant que la décision soit prise ;
  • la négociation doit privilégier les entreprises qui proposent des optimums de Pareto à l'instant courant, car l'amélioration d'un optimum de Pareto est plus utile que l'amélioration d'une solution dominée ;
  • et la négociation avec les entreprises proposant des offres dominées peut utiliser les offres qui les dominent comme argument de négociation pour les contraindre à faire une offre optimale.
Ainsi, une technique originaire des mathématiques appliquées, l'optimisation multi-objectifs, peut être un outil pour le négociateur qu'est le médiateur technique.

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