vendredi 12 août 2011

Innover plus efficacement : gérer des milliers d'idées

Le talent a besoin de gestion. (André Siegfried)
Trouver des idées n'est pas difficile. La créativité n'est pas une denrée rare, et de nombreuses techniques existent pour engendrer des idées.
Mais lorsqu'on produit des idées en grand nombre, par exemple pendant un brainstorming, il y a peu d'idées qui vont être effectivement être exploitées immédiatement. On abandonne donc généralement la grande majorité des idées générées au profit de quelques "bonnes idées".
Cette gestion des idées relève du gâchis. En effet, aucune idée n'est mauvaise, dès lors que l'on a compris que chaque idée peut conduire à la production d'autres idées, par combinaison avec d'autres idées, extension et radicalisation de l'idée originelle, renversement de point de vue...
De plus, certaines idées non exploitables immédiatement le seront peut-être dans quelques mois ou années, et il serait dommageable de les oublier.
Enfin, rien n'interdit de proposer des idées non exploitables dans sa propre entreprise à l'extérieur, c'est-à-dire chez un partenaire, un fournisseur, un client.
Alors, comment faire pour gérer mieux ces idées ? Surtout que l'accumulation d'idées au cours de diverses occasions (réunions créatives, idées spontanées des collaborateurs...) conduit vite à disposer d'un nombre gigantesque d'idées, sans même aller forcément jusqu'au record du Thinkathon organisé à Singapour par la société Solution People (huit mille participants ont produit 454 000 idées en une heure !).

Regrouper les idées

Supposons que vous ayez à disposition mille idées, obtenues par un moyen ou un autre. Si vous ne consacrez que 30 secondes à la lecture de chacune d'elles, vous en avez pour plus de huit heures de travail. Si vous souhaitez évaluer chaque idée sérieusement, en passant en moyenne une demi-heure sur chaque idée (comment la mettre en œuvre ? avec quels moyens ? quel retour attendu ?) vous arrivez à environ trois mois d'évaluation à temps plein. Un travail de titan.
Mais parmi ces idées, il y a énormément d'idées voisines. Prenons par exemple les idées : "produisons tel produit en rouge" et "donnons à tel produit un aspect métallique". Clairement, ces deux idées sont similaires : ce sont toutes les deux des idées suggérant la modification de l'aspect d'un produit. Évaluer indépendamment les deux idées revient à faire grosso modo deux fois le même travail. Il serait plus judicieux d'évaluer les deux idées à la fois.
Cela semble trivial sur cet exemple, mais souvenons-nous du travail considérable que représente l'évaluation : il est probable que les tâches d'évaluations ne seront pas toutes confiées à la même personne, et sans méthodologie adéquate, difficile d'éviter l'évaluation indépendantes des idées voisines.
Il faut donc mettre en place une méthode de regroupement d'idées. On peut imaginer plusieurs manières de faire :
  • on peut définir des thèmes : une idée appartient à un thème unique ;
  • on peut définir des caractéristiques : chaque idée possède ou non un certain nombre de caractéristiques ;
  • enfin, on peut définir un réseau d'idées : chaque idée est reliée à plusieurs autres idées.
L'idée des thèmes correspond à une partition des idées en ensembles indépendants. C'est une approche intéressante, car au lieu d'évaluer les idées indépendamment, on peut évaluer chaque thème dans son ensemble. Si on s'autorise environ 20 idées par thème, on divise par autant la charge de travail d'évaluation, ce qui n'est pas négligeable.
Par contre, elle ne favorise pas la mise en relation avec des idées liées mais classées dans d'autres thématiques. Ainsi, si vous avez créé un thème "couleur" et un thème "matière", l'idée "donnons à tel produit un aspect métallique" se classera dans un des deux thèmes mais pas dans l'autre, et ce choix peut avoir une conséquence sur l'utilisation ultérieure des idées. L'approche des caractéristiques vise à traiter le défaut précédent en permettant de d'aborder une idée selon plusieurs points de vue, désignés par des labels : l'idée précédente pourra ainsi être caractérisée par les deux labels "couleur" et "matière".
Toutefois, la multiplication des labels entraîne la perte de la réduction du travail apportée par l'idée du thème, et elle ne garantit pas totalement que toutes les idées analogues soient reliées par une caractéristique commune.
Enfin, le réseau d'idées permet de structurer les idées de manière à ce que les idées voisines puissent être reliées entre elles indépendamment de caractéristiques à définir, mais c'est certainement l'approche la plus lourde de celles évoquées ci-dessus.

Mise en œuvre des regroupements

L'implémentation de l'idée des thèmes est particulièrement facile lorsque les idées arrivent au fur et à mesure : on peut en effet construire progressivement une arborescence de thèmes.
Pour illustrer le principe, on part de zéro avec un thème générique ("toutes les idées"), puis on y ajoute des idées jusqu'à en avoir une vingtaine. A ce moment, des thématiques d'idées devraient se dessiner, comme par exemple une thématique "design", une autre thématique "marketing", et une troisième thématique "R&D". On les définit alors comme des sous-thèmes du thème générique : "idées design", "idées marketing", "idées R&D". Puis on déplace les idées du thème générique dans le sous-thème adéquat.
On continue d'alimenter en idées l'arborescence en les rangeant dans les sous-thèmes (ou en créant un nouveau sous-thème si aucun ne convient), jusqu'à ce que l'un des sous-thèmes comporte une vingtaine d'idées : on doit alors pouvoir regrouper les idées de ce sous-thème en plusieurs thématiques, et créer des sous-sous-thèmes. Et ainsi de suite.
Le travail de construction de l'arborescence est probablement à confier à un nombre réduit de personnes pour rester cohérent, mais comme il s'agit essentiellement de classification, on est plus probablement dans les 30 secondes par idées que dans les 30 minutes.
Avec quel outil informatique peut-on réaliser l'arborescence ? On peut très bien commencer par un logiciel de cartes heuristiques comme FreeMind.
La mise en œuvre de l'idée des caractéristiques nécessite de définir un nombre de labels en nombre raisonnable (pas plus d'une vingtaine). Ces labels ne sont pas forcément évidents à énoncer au démarrage de la collecte d'idées, aussi il semble plus naturel d'attendre de disposer d'un nombre suffisant d'idées (disons une centaine) pour voir si des caractéristiques se dégagent.
On peut aussi utiliser les thèmes et sous-thèmes principaux d'une arborescence déjà réalisée comme des labels : en effet, certaines idées peuvent se classer dans plusieurs branches et la construction de l'arborescence a conduit à faire un choix arbitraire, sans même s'en rendre compte.
Mais cela signifie que les idées doivent être toutes revues pour rajouter d'éventuelles caractéristiques, ce qui représente un travail considérable. Le mieux est alors de demander aux auteurs des idées de proposer l'attribution de caractéristiques supplémentaires à leurs idées. Les personnes chargées de la construction de l'arborescence pourront alors jouer le rôle de modérateurs pour assurer la cohérence de l'attribution des labels.
Enfin, l'idée des réseaux d'idées peut être considérée comme un stade ultime d'organisation qui demande un effort collectif. Les collaborateurs vont être invités à parcourir l'ensemble des idées en navigant dans l'arborescence ou en sélectionnant des caractéristiques pertinentes, ou encore en faisant une recherche par mots clés. Lorsqu'ils identifient des idées qui leurs paraissent voisines et non encore reliées, ils peuvent proposer de créer un lien entre ces idées. Le réseau ainsi crée devient une autre manière de naviguer parmi l'ensemble des idées.
Outre la création du réseau d'idées, la navigation permet de découvrir des idées originales anciennes ou dont on n'a pas connaissance : certaines peuvent être exploitables alors qu'elles ne l'étaient pas lors de leur introduction, et d'autres peuvent être sources d'inspiration pour proposer de nouvelles idées. Les idées "filles" des idées déjà dans la base devraient en toute logique être reliées à leurs idées "mères".
Trois manières d'organiser les idées, qui permettent plusieurs manières de naviguer parmi les idées. Reste les idées que la navigation spontanée des collaborateurs ne parcourt pas ou peu, une Terra Incognita de fait. On peut envisager de compter les passages des collaborateurs sur chaque idée, et de proposer un moteur de recherche aléatoire des idées basée sur le nombre de passages : une idée peu atteinte sera proposée avec une probabilité plus forte qu'une idée très visitée.

Il ne manque plus que le bon logiciel

Voilà un canevas général de l'organisation d'une base d'idées qui me semble performant. Je ne connais hélas pas de logiciel capable de faire tout ça, même s'il existe plusieurs logiciels traitant de l'aspect "réseau social" de soumission des idées, comme Spigit, aspect essentiel pour faciliter la collecte des idées au sein d'une entreprise.
Un tel logiciel de gestion de bases d'idées serait à mon sens utile pour les entreprises qui innovent, aussi bien que pour les médiateurs techniques qui doivent trouver créativement des secteurs d'activités pertinents pour chercher les solutions de leurs clients.

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