"Définir le rôle des amuseurs : c'est celui de la goutte de citron sur l'huître" (Guy Bedos)Vous avez peut-être lu mes articles sur l'assurance innovation que je propose (ici et là). Les réactions ont été intéressantes, en particulier les réactions négatives. Car c'est la critique qui fait progresser.
Je vais ici discuter du meilleur argument en défaveur de mon idée à ce jour.
Asymétrie d'information et marché des "citrons"
Le principe de l'assurance innovation, rappelons-le, c'est d'assurer la prise de risque d'une entreprise qui se lance dans un projet très innovant.L'un de mes amis, travaillant dans les assurances, m'a expliqué que le principal obstacle qu'il voyait à l'assurance innovation est l'asymétrie d'information. Pour expliquer le problème, je vous propose de reprendre l'idée originale d'un économiste nobélisé à ce sujet, George Akerlof.
Il décrit la situation des ventes d'automobiles d'occasion entre particuliers. Une automobile d'occasion est de qualité variable. Le vendeur connaît la qualité de sa voiture, mais pas l'acheteur. Le prix qu'un acheteur est prêt à payer prend donc en compte cette incertitude.
Le vendeur d'un bon véhicule se voit ainsi pénalisé : la voiture qu'il souhaite vendre ne trouve pas d'offre à un bon prix (les acheteurs se méfiant), et il retire donc sa voiture du marché d'occasion. Comme les vendeurs des bonnes voitures font tous de même, la qualité moyenne des véhicules du marché diminue.
Les acheteurs deviennent alors plus méfiants, et réduisent le prix qu'ils sont prêts à mettre. Les vendeurs des véhicules de la meilleure qualité qu'il reste sur le marché retirent alors leur véhicule.
Et ainsi de suite. Finalement, il ne reste plus sur le marché que des épaves, ou "citrons" (lemon en argot américain) qui s'échangent pour rien.
Le fait que les vendeurs en sache plus que les acheteurs est qualifié en économie d'asymétrie d'information. Dans cette situation, George Akerlof et d'autres économistes ont montré un marché ne fonctionne pas aussi bien qu'il devrait.
L'argument de mon ami est le suivant : dans le système d'assurance innovation que je propose, "le vendeur" d'un projet risqué, le chef d'entreprise, en sait bien plus sur la valeur de son projet que "l'acheteur", i.e. la compagnie d'assurance ou l'État (selon que l'assurance soit publique ou privée).
Par conséquent, les projets qui vont être effectivement assurés sont les projets les plus médiocres par rapport au risque encouru.
Excellent argument, il faut le reconnaître. La question est donc : "Y a-t-il une parade ?"
Les parades anti-citrons
Observons ce qui se passe dans d'autres situations propices à une telle situation de marché des citrons. Et en particulier, dans la situation initialement décrite par Akerlof.Le marché de l'occasion, en pratique, n'est pas si catastrophique que le prévoit le modèle d'Akerlof. Pourquoi ? Il y a plusieurs réponses à cela :
- La solution proposée par Akerlof lui-même : la garantie. C'est en pratique ce qu'offrent les concessionnaires automobiles qui achètent des automobiles et les revendent. Ils s'engagent sur la qualité, quitte à ce que les réparations soient à leurs frais.
- La solution Carfax, du nom d'une société américaine. Leur offre consiste à obtenir l'historique des réparations d'une voiture chez tous les réparateurs américains. Elle permet de rétablir la symétrie d'information.
- Vous pouvez aussi essayer la voiture et l'inspecter. Ou laisser faire un expert. C'est le principe de l'audit. Là aussi, on rétablit la symétrie d'information.
- Enfin, si un vendeur est amené à faire régulièrement des ventes, sa réputation peut entrer en jeu. L'arnaque marche une fois, mais pas indéfiniment : les acheteurs spoliés ne manqueront pas de ternir l'image du vendeur. C'est moins possible dans la vente de voitures d'occasions (peu fréquente).
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