Un gouffre d'investisseurs ?
Si vous êtes un lecteur averti dans le domaine de l'innovation (technologique ou pas), vous connaissez sûrement le fameux livre Crossing the Chasm de Geoffrey Moore. Si vous ne le connaissez pas, vous pouvez lire un résumé ici. En substance, Geoffrey Moore a identifié un problème récurrent pour la plupart des startups : entre les premiers acheteurs (les early adopters, ou adopteurs précoce), très technophiles ou voyant un intérêt stratégique à acheter votre produit, et la grande majorité des acheteurs potentiels, qui ont besoin pour se convaincre que d'autres acheteurs aient fait le pas, il y a une rupture de continuité, un gouffre. Et ce qui fait la différence entre une startup prometteuse qui échoue et une startup qui réussit à décoller, c'est précisément de traverser le gouffre. C'est-à-dire de commencer à atteindre la early majority (ou "majorité précoce").Pour le crowdfunding en actions, c'est un peu pareil. Votre produit, ce sont vos actions que vous proposez d'acheter à la foule. Et entre les premiers investisseurs, qui vous font atteindre 5 à 10% de votre objectif, et d'éventuels autres investisseurs qui vous permettront d'atteindre les 100%, il y a un gouffre. Mais peut-être pour des raisons différentes.
Le Love Money ne suffit pas
En effet, vos premiers investisseurs, vous les connaissez pour la plupart. On est entre ce qu'on appelle le Love Money (j'investis par amitié, parce que tu es un proche ou un ami) et l'investissement de confiance (j'investis parce que j'ai travaillé avec toi, je sais que tu es compétent, et je suis certain que ton projet ne peut que marcher). Certaines personnes inconnues, passionnées par l'innovation et séduites par votre projet, complètent ce tableau des early investors.Si vous avez de la chance, ou simplement un besoin d'investissement assez faible, vous aurez levé 50% ou plus de votre objectif, et votre campagne est en bonne voie. Mais il est vraisemblable que vous n'en soyez qu'à environ 10%. Dans mon cas, par exemple, j'en suis à 14% au bout de 6 ou 7 semaines.
Ils peuvent être nombreux, peut-être quelques dizaines. J'en compte 28 à ce jour. Mais leur investissement moyen est de quelques centaines d'euros. Je m'aperçois que la démarche de beaucoup de ces investisseurs précoces s'assimile plus à du don qu'à de l'investissement. C'est un coup de main. Ils ne comptent pas vraiment récupérer leur mise. Disons que s'ils y gagnent, ce sera une bonne surprise. Peu de ces investisseurs me demandent les conditions exactes de récupération de leur investissement, ou s'il est défiscalisable.
Pour avancer, vous avez besoin d'autres investisseurs, et surtout des investisseurs prêts à mettre des sommes plus importantes : 2000, 5000 voire 10000 euros ou plus. La question est : où les trouver ?
Les Business Angels veulent plus qu'un concept
Avant que le crowdfunding ne décolle, lorsque vous aviez besoin d'investisseurs en phase d'amorçage, vous vous tourniez vers les Business Angels. Ce sont plus que des investisseurs, mais pas tout à fait des associés. Outre une capacité d'investissement assez conséquente (20 k€ au bas mot), ils ont un rôle de conseil et de facilitation pour l'entreprise qu'ils soutiennent. Cette population semble donc a priori toute indiquée pour compléter la cagnotte.Mais il y a un problème. D'après ma courte expérience, la démarche même des Business Angels semble en décalage avec le crowdfunding.
En effet, aujourd'hui les Business Angels (ou BA) sont souvent rattachés à un groupement de BA. Les groupements de BA ont généralement mis au point une procédure de sélection des dossiers, afin que chaque BA ne soit pas submergé par des candidatures d'entrepreneurs à la recherche d'un peu d'argent. Je le conçois volontiers. Du coup, il faut présenter un dossier spécifique (chaque groupement ayant sa procédure), attendre le retour du comité de sélection, bref on n'est pas dans le rythme d'une campagne de crowdfunding.
De plus, ils investissent souvent à plusieurs, voire via un fonds d'investissements du groupement, sorte de pot commun. Là, on commence un peu à s'éloigner de la vision "classique" du BA qui décide individuellement d'aider une société. Et surtout, l'investissement minimal de ces groupements est souvent bien supérieur à la somme qu'on cherche à lever par le crowdfunding. Embêtant.
Et surtout, les BA français aujourd'hui veulent plus qu'un concept. Ils veulent que votre produit soit prêt, voire que votre projet génère déjà des ventes. Ils veulent, osons le mot, de la sécurité dans leur investissement.
Bref, même si la population des BA semble être intéressante, il est difficile de convaincre des groupements de passer l'information de l'existence de votre campagne auprès de leurs membres. J'ai eu des fins de non-recevoir, notamment de la part de groupements BA d'anciens de mon école d'ingénieur. Pas question de proposer aux BA de regarder une vidéo de 1 min 45 s.
Au passage, je signale qu'il existe des sites de crowdfunding en actions exclusivement destinées aux Business Angels. L'investissement minimal est alors de l'ordre de 1000 à 2000 €, la sélection est plus rude (le projet doit être plus avancé, plus sûr), et les objectifs de levée sont en général d'au moins 200 k€. Bien plus que ce que je cherche. Ces sites ont l'avantage de disposer d'un carnet d'adresses de Business Angels qui se sont spontanément inscrits sur le site. Mais ce n'est pas pour moi...
Entre Love Money et Business Angels : le gouffre
Voilà donc le problème que j'identifie. D'un côté, le Love Money ne suffit pas, et d'un autre côté, les BA sont dans une démarche d'investissement plus importante en capitaux et plus exigeante que ce que ne permet un crowdfunding tel que le mien. Entre les deux, qui reste-t-il ? Peu de monde, hélas.Je ne suis pas en train de dire qu'il n'y a personne qui soit prêt à investir 5000 € ou plus dans une campagne telle que la mienne. J'ai bien eu une promesse d'investissement de 15 k€ (soit plus que tout ce que j'ai pu réunir jusqu'à présent) sur laquelle je compte beaucoup. Mais le profil des investisseurs "dans le gouffre", tel que je le comprends, est différent.
L'investisseur du gouffre est :
- aisé, c'est-à-dire doté de moyens qui pourraient en faire au moins un Business Angel modeste,
- en recherche probable de solutions pour réduire son imposition, pour défiscaliser,
- mais peu sensibilisé ou habitué à l'investissement actif dans une société en particulier.
Personnellement, je suis en manque cruel d'arguments et de conseils pour atteindre cette population, sachant que le coup de cœur sera vraisemblablement rare. Je suis donc preneur de solutions pour trouver ces investisseurs audacieux. Vous savez comment me joindre ! Merci d'avance pour votre aide.
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