vendredi 22 juin 2012

Cloud, crowdsourcing et CAO

J'ai récemment assisté à une journée de présentation d'une gamme d'outils de CAO (conception assistée par ordinateurs), dans le cadre de ma veille technologique. L'une des tendances affichées par l'éditeur en question, Autodesk, est le Cloud.
En gros, plutôt que de stocker ses plans et dessins techniques dans son ordinateur, l'idée est de les stocker à distance sur une grosse ferme d'ordinateurs de l'éditeur, afin de faciliter le partage ou la mobilité de l'ingénieur. Par ailleurs, l'éditeur propose également d'effectuer à distance des calculs techniques, ce qui évite d'être limité par la puissance de l'ordinateur du client, qui pourra bien finir par être une simple tablette.
En soi, il ne s'agit que de suivre la mode du Cloud, qu'on retrouve par ailleurs dans d'autres secteurs de l'informatique grand public (comme Dropbox pour le stockage de fichier, Gmail pour la gestion d'e-mails...). J'imagine d'ailleurs que les éditeurs concurrents font la même chose.
Mais il me semble qu'il y a là un levier inexploité pour faciliter le travail de certains ingénieurs, en s'inspirant d'une solution de management de l'innovation, le crowdsourcing.

Le problème de la conception

Un ingénieur de conception peut être chargé de concevoir un assemblage de nombreux éléments complexes différents, éventuellement très courants.
Par exemple, le chef de projet chargé de construire une usine conçoit l'usine comme une sorte de puzzle géant dont les pièces sont typiquement :
  • les murs et les portes,
  • les machines à installer,
  • les pièces à fabriquer ou à assembler,
  • les barrières de protection et autres éléments de sécurité,
  • les équipements permettant la circulation (passerelles...),
  • les ponts, convoyeurs aériens, et autres systèmes de déplacement de pièces,
  • les véhicules (chariots, transpalettes...),
  • ou encore, le personnel.
S'il souhaite en avoir un modèle numérique, afin de visualiser en 3D comment l'usine qu'il conçoit se présentera et d'identifier d'éventuels problèmes de conception, il va devoir demander à un ingénieur de modéliser tous ces éléments en CAO.
Cela s'avère a priori un travail titanesque. En effet, il va falloir à cet ingénieur un temps de conception proportionnel au nombre d'objets différents, alors même que ce sont pour la plupart des objets courants, et vraisemblablement déjà modélisé par quelqu'un quelque part dans le monde.
Certes, une bibliothèque d'objets est parfois disponible dans les logiciels de CAO, mais à moins de vouloir se contenter d'une visualisation très approximative, elle s'avère insuffisante et/ou trop gourmande en espace disque.
Comment alors éviter de refaire le travail de conception d'objets courants ?

La solution du crowdsourcing

Certaines entreprises spécialisées dans l'innovation proposent depuis quelques années des plateformes de crowdsourcing déjà évoquées sur ce blog. Ces plateformes permettent à une entreprise (le seeker) ayant un problème technique difficile de soumettre ce problème à une communauté de solvers qui vont alors concourir pour proposer une solution. La meilleure solution octroît au vainqueur une récompense financière (typiquement 10 000 $) de la part du seeker.
Le cloud d'Autodesk permet en principe de partager ses modèles avec ses collaborateurs, voire avec le reste du monde. Toutefois, il est douteux qu'une entreprise offre gratuitement le fruit du travail de ses ingénieurs au reste du monde.
En s'inspirant du crowdsourcing, voici ce qu'elle pourrait faire.
Le cloud devient une plateforme avec :
  • des offres de modèles : un ingénieur de bureau d'étude ayant conçu un modèle qu'il pense utile à d'autres l'offre en téléchargement sur la plateforme moyennant une rémunération (ex : j'offre un modèle de grue Liebherr à 500 €) ;
  • et des demandes de modèles : un chef de projet concevant une installation électrotechnique et ayant besoin de modéliser entre autres un modèle précis d'armoire électrique qu'il ne trouve pas parmi les offres existantes pourra faire une demande sur la plateforme (ex : j'ai besoin d'un modèle d'armoire Hager à 250 €).
Notons que le prix d'un tel modèle partagé peut être en réalité bien inférieur au prix d'un modèle conçu spécifiquement, dans la mesure où sa vocation est d'être réutilisé. Par exemple, le concepteur d'un modèle de chariot-élévateur qui aura passé 15 jours à la réalisation de son modèle pourra l'offrir à un prix équivalent à 2 jours de travail : s'il est téléchargé 8 fois, il est gagnant, et chaque nouveau téléchargement devient une rémunération supplémentaire sans effort. Merveille de l'informatique : la copie ne coûte rien.
Toutes les déclinaisons commerciales de ce concept sont envisageables. Ainsi, une société qui vend des barrières de protection industrielles aura intérêt à offrir des modèles de l'ensemble de ses barrières avec comme seule contrepartie une fiche de contact : elle bénéficiera alors d'informations sur un prospect qu'elle n'aurait pas forcément identifiée auparavant, ce qui fait de la plateforme un outil de marketing.
Les élèves-ingénieurs pourraient également bénéficier de cette plateforme pour se faire rémunérer pendant leurs études en mettant en ligne des modèles sur la plateforme, et en profiter pour se faire identifier par des recruteurs industriels.
Enfin, l'éditeur peut bénéficier de cet outil sans même qu'il se fasse rémunérer pour les transactions permises, car c'est un moyen d'augmenter sans effort la valeur ajoutée de ses logiciels.

Bref, une mine de collaborations qui peut bénéficier à tous.

On peut ainsi s'attendre à une économie énorme du temps de conception d'une usine, ou plus généralement d'un assemblage complexe d'éléments techniques courants. Il restera quand même à l'ingénieur la conception des objets spécifiques à son entreprise, mais ce travail a une valeur ajoutée réelle bien supérieure.Le management de l'innovation, transposé à la conception : un bel exemple du potentiel de la médiation technique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Bonjour,

je vous remercie de laisser un commentaire. Je vous invite à le signer de votre nom, ou éventuellement d'un pseudo, pour faciliter l'échange.

Bien à vous,

SG