mercredi 13 juin 2012

Quel est le rapport entre la laine de verre et la cigarette ?

Si j'avais à choisir entre une dernière femme et une dernière cigarette, je choisirais la cigarette : on la jette plus facilement ! (Serge Gainsbourg)
Voilà quelques temps, je travaillais sur un problème de simulation numérique. L'idée était d'améliorer la tenue d'un isolant thermique en cas d'incendie. Et bien que non fumeur, c'est la cigarette qui m'a permis d'y parvenir.

La combustion, un phénomène complexe

En effet, décrire la combustion par des équations est loin d'être évident. Or c'est un passage obligé pour pouvoir réaliser des simulations numériques.
Il faut prendre en compte plusieurs aspects physiques :
  • le combustible est initialement solide ou liquide, mais doit s'évaporer pour brûler : c'est un changement de phase ;
  • la combustion induit des mouvements de gaz : il fait intervenir la mécanique des fluides ;
  • le gaz combustible se mélange avec le gaz comburant (l'air) et avec les gaz "déchets" (essentiellement du gaz carbonique) : c'est un problème à plusieurs espèces chimiques ;
  • la combustion est une réaction chimique, dont la vitesse de réaction dépend fortement de beaucoup de paramètres : il dépend sensiblement de la cinétique chimique ;
  • la combustion se concentre sur une zone très localisée (la flamme), cette zone bougeant au fur et à mesure de l'avancée de la combustion, et il est parfois plus simple de décrire cette zone comme infiniment plate : c'est alors un problème d'interface mobile ;
  • enfin, chacun de ces phénomènes a un impact sur les autres (l'évaporation du combustible, induite par la chaleur, entraîne l'activation de la combustion) : c'est un problème fortement couplé.
Il est généralement impossible d'incorporer toutes les équations dans une simulation numérique, surtout quand certaines données physiques, en particulier celles de la cinétique chimique, sont tout simplement indisponibles.
Heureusement, il est souvent possible de simplifier le modèle sans perdre en pouvoir de prédiction. Mais c'est l'expérience des experts, accumulée depuis longtemps dans un domaine très précis, qui permet de choisir les bonnes simplifications.
Bref, quand on part de zéro, c'est comme s'attaquer à l'Everest quand on a comme seule expérience montagnarde les randonnées dans les Vosges.
Heureusement, la médiation technique est là.

La cigarette, et l'incinération de déchets

Donc, j'ai entamé une recherche de domaines techniques où la combustion joue un rôle identique à celui de la combustion lente de l'isolant thermique.
Il faut être attentif, dans une telle démarche, car il y a combustion et combustion : le problème que j'avais à traiter ressemblait bien plus à un feu rampant, à une consumation lente, qu'à un incendie de forêt.
Bref, il se trouve que la littérature scientifique de la consumation n'est pas la plus abondante, mais que celle qui existe traite régulièrement de la cigarette. Voir par exemple cette référence. Or une cigarette et un isolant en laine de verre, c'est un peu pareil : c'est très poreux, et ça se consume lentement. Donc, en fouillant dans cette littérature, on a de bonnes chances de trouver la bonne manière de décrire le problème.Au passage, j'ai découvert d'autres activités concernées par le problème. Ainsi, l'incinération des déchets présente une problématique similaire, comme le montre cette thèse.

Leçon pour un médiateur technique

La recherche bibliographique chère aux scientifiques est très similaire à la démarche du médiateur technique. Et cette anecdote met en lumière que la culture technique est une clé du métier.
Le bon médiateur technique a effectivement besoin de comprendre le contexte technique d'une mission, au risque de trouver des experts inadéquats pour son client.
Difficile donc d'être médiateur technique sans culture technologique générale.

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